Dossier : La Bibliometrie : Instrument Incontournable pour l’évaluation de la recherche

CERISTNEWS Sixième numéro - Juin 2011

CERISTNEWS Bulletin d’information trimestriel Sixième numéro - Juin 2011 en pdf

Edito

La Bibliométrie renvoie à la perspective métrologique et statistique. Utilisée pour la première fois en 1933 par P. Otlet, son usage ne s’est généralisé qu’après sa réutilisation en 1969 par A. Pritchard en Grande Bretagne et R. Estivals en France. Entre temps, c’est le terme «statistique bibliographique» qui est utilisé pour définir l’application de la statistique au phénomène bibliographique.

Ce couplage entre bibliographie et statistique s’explique par le fait que «La bibliographie accumule en effet depuis des siècle une masse énorme d’informations dont on imagine mal que l’on puisse se passer pour reconstituer les faits de l’histoire, par ses données statistiques, par ses divers groupements systématiques des livres, elle conduit à des déductions dont toutes les sciences peuvent bénéficier». Parmi les sciences, la sociologie de la connaissance figure en bonne place ou encore la Sociologie de la science fondée par R.K Merton. Ainsi la publication scientifique devient la base des études relatives aux processus sociaux fondant les questions liées à la productivité des auteurs, leur notoriété et leur gratification. Dans ce sens, Dereck de Solla Price énonce le concept de «Science de la science» en 1956 qui est « l’étude statistique de séries longues et homogènes, d’indices objectifs et quantifiés (nombre de scientifiques, de périodiques, d’articles, de citations, d’articles cités) de l’activité scientifique». Son postulat est que la science est conçue à l’image d’un gaz dont il faut «étudier son volume global, la distribution des molécules qui le composent (les savants) en fonction de leur vélocité (de leur fécondité) les modes d’interaction des molécules, les propriétés politiques et sociales globales du gaz (la science) ainsi étudié». D’où sont dégagées des lois dont le «collège invisible» ou la croissance logarithmique de la science. Ceux-ci ont constitué le ressort d’une science en gestation «la scientométrie» en 1977. En parallèle à cet apport la «statistique bibliographique» anglo-saxonne a donné lieu à des lois dont celle de Lotka, de Bradford ou de Zipf. Elle a donné lieu aussi à la méthode de « l’analyse de citations » dès 1927 et qui contient en germe le principe du Science Citation index élaboré dès 1955 par E. Garfield. Celui-ci s’articule en trois répertoires: le « Citation index », le « Source index» et le « Permuter subject index ». 

Cet index fut complété par le Social Science citation index et par l’Arts and humanities citation index à partir de 1961.

Quelle que soit l’orientation prise par les différents travaux bibliométriques et les terminologies empruntées infométrie, scientométrie, webométrie, internetmétrie, elles reposent toutes sur le postulat que la publication est le produit d’une pensée individuelle et par sommation d’une pensée collective. Puisque la production appelle la consommation, ladite publication constitue le moyen d’appréhender et la production et la consommation intellectuelle.

A noter par ailleurs que les progrès actuels de la bibliométrie n’ont été permis que grâce à l’informatique. Ainsi les capacités de stockage et de traitement des systèmes informatiques actuels, leurs fonctionnalités avancées en matière de calcul et de représentation des données auxquelles s’ajoutent les possibilités permises par la dé-concaténation des données bibliographiques en champs discernables et adressables, permettent une manipulation tout azimut de ces données. 

Les progrès de la bibliométrie découlent aussi des besoins ressentis par les systèmes de recherche scientifique des pays avancés. Ainsi l’impératif de l’optimisation des ressources budgétaires allouées à la recherche et l’évaluation de ses outputs constituent les ressorts fondamentaux du développement de la bibliométrie. A tel point qu’elle est devenue un élément structurel des systèmes de recherche dans ces pays. La dynamique actuelle de notre système de recherche constitue une opportunité pour construire un système bibliométrique national.


 

DAHMANE Madjid

Directeur de recherche

Division Recherche et Développement en Science de l’Information